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Je pense que la Taudi devait être le bolide le plus confortable de la grille de départ

Désolé Joel, mais sur la vidéo, quand tu conduit, on dirait un enfant qui a emprunté la voiture à papa

Par où commencer pour décrire cette journée terriblement longue pour laquelle le temps est apparu incroyablement court… par la veille, quand, affairés à remettre en état de rouler la Fugushima (notre Accord Aerodeck) au fond du paddock du circuit de Lurcy Lévis, quelques curieux du club Porsche local s’approchent, dubitatifs, pour nous demander poliment si nous étions en panne.
"Non, nous ne sommes pas en panne, nous préparons le bourrier pour la journée de demain."
"La journée de demain ?"
"Oui, elle va enquiller 10h de piste à plein régime, c’est pour un concours d’élégance et d'endurance !"
"Parce que vous comptez mettre ça sur la piste… ?!?!?... mais, heu… c’est quoi votre truc ?"

Il a donc fallu expliquer… 2000€ maxi, 15 ans minimum, de la rouille, pas plus de 8 roues en tout et pour tout, un thème, une décoration, des coéquipiers et surtout 10h de piste pour parcourir un maximum de kilomètres et prouver que cette auto n’est pas seulement belle, elle est aussi redoutablement efficace et fiable.

Après un rire nerveux, quelques hésitations, les curieux se regardent entre eux. Je n’avais jamais vu des amateurs de cochons à sac à dos être aussi surpris et intéressés par une japonaise fraichement réparafistolée.
"Ca n’a pas l’air mal votre truc !"
Ils sont largement en dessous de la réalité, nous sommes tous enthousiastes, et tous en dessous de la réalité. Il y a bien une chose dont on se rend compte, c’est la gageure. Il s'agit de tenir 10h moins les changements de conducteur et les pleins, avec une auto achetée pour pièces, qui annonçait plus de 270 000 km au compteur et dont l’historique était aussi limpide que les eaux de retraitement d’un laboratoire pharmaceutique.

Une fois les porschistes partis, nous voyons arriver les bourriers et les autres participants les uns après les autres. La première à être la seconde sur le paddock est une Audi Cointreau, 5 cylindres en porte-à-faux avant. Une répartition de 911 à l’envers, avec un équilibre bien plus précaire, à moins d’être passionné de sous virage et de prises de vues photographiques en plongée. Mais à ce prix là (gratuit s’pas cher), avec les encoches latérales pour blatte de baseball, pas de doute, elle est bien dans le ton. D’autres participants arrivent, le plus grand nombre sans leur monture, qu’ils n’avaient pour certains jamais vu autrement que sur leboncoincoin. L’excitation augmente au fil du remplissage du paddock. Une 309 GTI fraichement arceautée fait son arrivée accompagnée d’un break de soutien pas drôle du tout pour les moins techniciens d’entre nous. Il tracte une remorque remplie de servantes et de pièces de rechanges. Nous sommes là pour participer, ils sont venus pour marquer l’histoire. Et l’histoire, elle risque d’être marquée au fer rouge de plaquette de frein usée.

Freez et le reste de l’équipage de la 309 se collait les doigts sur des stickers lorsque LdH et Dispoman du team DTC, une très porn E30 Touring, arrive sans son bourrier.
"Alors ?"
"Bah elle n’est pas loin, mais elle ne démarre plus à chaud, donc faut attendre qu’elle refroidisse."
Si certains sont encore inquiets de l’esprit d’un tel évènement, cette écurie DTC vient de confirmer que tout est [s]sein[/s] sain et sauf !

La DTC Touring arrive quelques minutes plus tard, elle est méchamment sérieuse, posée sur ses jantes de Z1. Non loin d’elle, un Defender recule avec sur sa remorque celle qui a le plus torturé les zygomatiques et inquiété ses conducteurs, dont Sir W, Tristan et Nicks K Mason. La crotte de nez du GT Hell. Une SuperCinq GT Turbo tartinée de mastic et de fibre de verre, remplie de caissons à grosson vides, et peinte avec du wasabi. Elle n’a plus de suspensions, elle n’a pas roulé depuis 8 ans et franchement, elle pue, au sens figuré. Cette bagnole est sortie tout droit d’un épisode de Strip tease, ce n’est pas possible autrement. La revue de détails est interminable et la moitié du paddock tourne autre de l’auto comme des mouches à… à rien du tout. Pendant ce temps là, la Mazda MX5 de 4o7 et Personne, décapsulée façon barrière de passage à niveau, descend de sa remorque.

Elle est vidée. Seuls des tubes boulonnés dans tous les sens tentent de camoufler l’absence totale d’accastillage caoutchouté. Même l’intérieur des portes à été découpé. Il lui manque, à peu près tout excepté l’essentiel. L’issue du concours d’élégance sera serrée et pour la fiabilité, cette troupe a trouvé ce qui se fait de mieux pour réaliser le pire cauchemar d'une auto d'occasion.

Les derniers arrivants ne tardent pas, dont la 325i coupé Go Fast de Tristan (encore lui), dont l’intérieur avait subi une excommunication express par l’évêque de Notre Dame de Saint Maclou. Il faut être honnête, cet amoncèlement de bourriers en fin de vie, ressemble vraiment à n’importe quoi. A mi-chemin entre le parking d’un ferrailleur et l’assemblée générale de l’Automobile Club de Tirana.

Ca décore, ça visse, ça resserre, ça niveaute, et pendant ce temps là, les barbecues chauffent. Les HELLers échangent conseils de beauté et des références mécacyl quand l’écurie de la 309 nous annonce une rupture imminente de courroie de distribution. Pas le choix, faut mécaniquer. Je ne vois pas ce qui pouvait être plus authentique que ce genre d’opération, à la tombée de la nuit, dans un box hébergeant chaleureusement la fumée de mon magret de canard qui crachait son huile sur la braise.

A peine une heure plus tard, la 309 vrombit dans le box largement plus enfumé par le magret que par les coups de gaz victorieux des mécanos. C’est terminé, le diner aussi, il est temps d’aller s’allonger pendant les quelques heures qui nous séparent du premier HELL de l’histoire automobile française. Je ferme le circuit, de peur que des mauvais plaisantins ne nous volent ces bourriers de compétition…

6h45, je sonne, le réveil se lève. Le temps de me cogner partout j’enfile ma douche et prends mes habits pliés en tas. Je démarre mon déplaçoire tout en écoutant le message laissé par LdH qui me demande ce que je tricote puisqu’ils sont déjà à la grille du circuit, trépignant d’impatience.

Sur les 10 kilomètres qui me séparent du circuit, je m’insère dans un convoi portant les couleurs de l’écurie RedFace, entre le camion d’assistance et la MX5 luxe, encore indemne, du moins comparée à la barquette qui nous attend dans le paddock. Elle est la dernière arrivante sur place.

Les grilles s’ouvrent, les participants se mettent en tenue, les moteurs grognent, les derniers réglages sont effectués, il est l’heure de faire de briefing. A 8h45 les bourriers entrent en piste. Un léger manque de ponctualité qui devra être comblé sur la piste.

Dès les premiers tours de piste, il est facile de distinguer les sprinteurs des coureurs de fond. Une distinction de courte durée, les premiers changements de conducteurs s’opèrent et tout le monde perd ses repères. Lors d’une journée de roulage traditionnel, il est assez facile de comprendre le rythme de chaque auto. Lors du HELL, la diversité de conducteurs sur chaque bourrier et la stratégie de roulage empêche toute possibilité d’en faire autant. Résultat, il n’est rapidement plus très surprenant de se faire doubler par un bourrier auquel on a collé 2 tours dans la dernière heure.

Durant la deuxième heure, la Miata de Luxe (RedFace Alpha) a le thermomètre d’eau qui s’affole. L’écurie fait les niveaux, resserre la culasse, prie Saint Léon (d’après Daniel Prévost, il est saint patron des garagistes) et [s]brûle un siège[/s]. A l’issu du premier arrêt, la nippone repart en piste, brulant plus d’eau que d’essence, c’est simple, la fumée évacuée par l'échappement a rendu mon magret de la veille mort une seconde fois mais de jalousie. Après quelques tours, bouclant un parcours de seulement 150km sur piste, le verdict tombe, il faut quitter le HELL, le moteur devient trop susceptible.

Et c’est ainsi qu’il ne reste plus que huit écuries en piste pour prouver leur choix, leur stratégie, leur conduite et la fiabilité du bordel.

A la fin de la matinée, il faut rallumer le barbecue. Les premiers relevés de compteurs sont effectués, affichant pour la plupart entre 300 et 350 km parcourus depuis le début. La plupart des bourriers sauf la Bastos et la Cointreau ont fait un premier plein. D’ailleurs, ces deux machines qui nous paraissaient un poil plus lentes que la moyenne, commencent à inquiéter. La Miata Edition Rabot est aussi moins rapide qu'attendu, révélant une stratégie très finement calculée pour la gestion de l’essence. Par solidarité avec l’autre Mazda, elle a décidé de créer une panne, en fin de matinée. Pensant que son allègement facilitait un peu trop la tâche à ses conducteurs, elle n’a rien trouvé de mieux que de faire disparaitre sa courroie de direction assisté dans le dédale de protège-carters en plastique. Quelques brûlures et coups de tournevis plus tard, elle reprend la piste. Les trois conducteurs se relaient de nouveau, essuyant les moustiques et bouts de gommes accumulés, décollant ceux qu’ils avaient sur les dents. Mais non, je n’exagère pas, il faut bien trouver le moyen de rendre hommage aux premiers pilotes de Nascar…

Au-delà de certains tours pliés rapidement, ils cherchent l’efficacité et l’économie. Les stratégies se dévoilent. Au passage, la GT Hell (alias la Crotte de Nez, alias la R5, alias la Finira-pas-la-course-les-gars) surprend. Non seulement elle roule encore, mais elle est aussi très efficace dans les courbes. Incroyable, la recette miracle des suspensions soudées par les années, mélangées aux caissons de lestage permettent à ce bourrier de tenir grave dans les courbes. Bon, soyons clair, dans la ligne droite, elle se traine, mais c’est pour le plus grand plaisir des conducteurs qui peuvent ainsi admirer le tableau de bord en carbone autocollant et les contre-portes nourris à la peinture en bombe. Pendant ce temps là, loin du cœur et loin des yeux, le turbo meurt peu à peu...

Je sors de mon second relai, une heure cette fois. La voiture se comporte bien, enfin, pas trop mal, enfin, juste assez, bon, je me suis démerdé avec ça et le peu de capacités de pilotage que j’ai acquis dans les embouteillages parisiens ! Au fil de la journée, les freins d’aucun des bourriers ne semblent s’évanouir. Les radiateurs ne s’évaporent pas non plus. Les mauvaises langues n’ont qu’à bien se ternir, une auto de série, vieille et usée peut donc parfaitement encaisser les heures de roulage. Je tiens donc à dire une bonne fois pour toute à ceux qui parlent de freins spongieux, de surchauffe moteur et autres pneus cuits lors des "journées club" qu’ils ne sont qu’une troupe de mauvais conducteurs et qu’ils ne méritent que des ESP et du gazoil.

La journée se déroule, l’écurie Highway to Hell souffre. L’auto se fait resserrer la culasse, et perd à chaque relai quelques gouttes d’un liquide qui semble changer régulièrement de couleur. Elle reprend la route, mais le grand nombre de conducteurs oblige des relais courts et nombreux. En revanche, ce sont de vrais pros, l’auto est sur le cric toutes les heures. C’est certainement ce qui leur coutera le plus de kilomètres à la fin de la journée. Cela dit, ils ont gagné les 250pts de l'écurie la plus pro.

Chez les autres, on ne faiblit pas non plus. La DTC Touring aligne un rythme soutenu de métronome en retard avec régulièrement des tours à allure modérée pour sauver quelques litres. Depuis le début d’après midi, dans chaque écurie, on calcule la consommation histoire de pouvoir finir la journée en tirant sur un ou deux réservoirs. La cousine, le coupé 325i de l’écurie Go Fast, tente des manœuvres d’intimidation. Il semble que les conducteurs ont utilisé leurs calibres pour passoiriser l’échappement. Le 6 en ligne s’annonce dans un glouglou genre V8 kubikesque, si bien que je tourne la tête lorsque les ritalo-colombiens me dépassent dans le parabolique. Le doute m’habite… auraient-ils swapé pour un culbuté lors du dernier plein ? Non, ce sont juste les trous de la tuyauterie qui jouent du tromblon !

Parmi les bourriers humoristiques, l’Audi Cointreau n’est pas triste à suivre. Les déhanchements sont dignes de ceux d’un Grand Wagonner zigzagant pied au plancher dans un minigolf. Une fois les éclats de rire passés, il faut continuer la route, la passer et faire tourner les rouleaux kilométriques.

La Honda est une bonne surprise, elle est même drôle à conduire. Mes coéquipiers, habitués à des choses très différentes (190E 2.5 16, Excess Furia, Z3 3.0 et M coupé, ou encore 850CSi) la trouvent étonnante. 122ch, une tonne et malgré des silentblocs nés quelques mois avant les évènements de la grotte d’Ouvéa, elle n’est pas si ridicule, du moins pas autant que sa décoration. En revanche, nous n’avons pas compris comment l’un d’entre nous a réussi plusieurs 360° avec l’auto. Non, franchement, ça reste un mystère, surtout pour l’intéressé.

En fin de journée, quelques camarades de jeu l’ont rejoint dans la conduite artistique. La dernière heure de piste est là, les esprits, les autos et la météo sont fatigués. Une légère bruine recouvre peu à peu la piste et donc, les têtes à queue se multiplient. Le sol glissant se conjugue mal avec les gommes en fin de vie, le panneau trop tard intervient de plus en plus tôt, les freins hurlent la disparition de matière sur les plaquettes et on assiste à ce qui s’appelle la session de trop une heure durant. Certains bourriers roulent aux vapeurs et le rythme ralentit jusqu’à ce que le drapeau à damier annonce la fermeture de la piste.

Il est 18h30, les bourriers se garent les uns à côté des autres, les pilotes descendent pour rejoindre les coéquipiers et je relève les kilométrages aux compteurs, surpris et amusé de voir autant de bourriers à l’arrivée. Le podium de la distance parcourue est tenu par trois participantes tellement différentes. La première, DTC Touring a roulé fort, une majeure partie de la journée. La seconde Bastos a roulé à l’économie et aux suspensions chamallow tandis que la dernière, GT Hell, a roulé comme elle a pu, grillant notre Accord de seulement un petit tour. Comme quoi, le Hell, au-delà du concours de beauté, c’est très cérébral et dès l’année prochaine les stratégies et les choix mécaniques pourront être tout aussi variés puisqu’aucune des solutions ne s’est avérée réellement meilleure qu’une autre.

Autre point marquant, la plupart des autos sont reparties par la route le soir même pour faire deux à trois heures de route en plus.

Notez les dates, nous revenons pour tailler de la borne les vendredi 26 avril et vendredi 27 septembre 2013, toujours au même endroit et dans les mêmes conditions, enfin, presque ! Merci à tous les participants pour leur bonne humeur, leur esprit et leur enthousiame, à Tim pour le logo Hell, à Eric pour nous avoir ouvert sa piste, à Jérôme pour l’encadrement, à William pour la surveillance du paddock, à Yann pour l'alternateur et le sponsoring et enfin à mes coéquipiers pour leur coup de volant et pour la mise au point de Fugushima.

Rendez-vous en 2013…

Dabe